Le marathon : de drôles d’histoires…

Le marathon figura toujours au programme olympique. Il fut très souvent marqué par de multiples rebondissements, des anecdotes, des injustices, des drames, des exploits…

Philippidès : histoire ou légende ?

00Phillipides (2)En 490 avant J.-C. eut lieu la bataille de Marathon. L’armée du roi de Perse Darius Ier affronta les troupes du stratège athénien Miltiade. La victoire des Athéniens fut totale. C’est ici qu’intervient Philippidès. Ce jeune soldat, chargé par Miltiade d’annoncer la nouvelle du triomphe, part en courant de la plaine de Marathon pour rejoindre Athènes. Arrivé, il annonce la victoire aux édiles et s’écroule, mort d’épuisement. Personne n’est certain de la vérité historique au sujet de la chevauchée de Philippidès. Toujours est-il que le marathon naîtra pour célébrer son sacrifice…

Une invention du philologue Michel Bréal

1896BREAL (2)À la fin d’un XIXe siècle marqué par l’hellénisme, Michel Bréal, séduit par la légende de Philippidès, propose à Pierre de Coubertin d’inscrire la course de Marathon à Athènes au programme des Iers Jeux Olympiques de 1896 pour commémorer l’événement. Le baron se dit séduit et retient l’idée. Le marathon va devenir une épreuve phare des Jeux Olympiques… et une torture auto-infligée pour des milliers d’anonymes désireux de se confronter avec eux-mêmes.

1896 : la gloire du pâtre grec

1896Louis2Spyridon Louis, un berger grec, remporte le premier marathon olympique. Dès que celui-ci pénètre dans le stade Panathénaïque, il reçoit l’ovation de la foule. Il parcourt les 100 derniers mètres entouré de nombreux officiels et encouragé par le prince Constantin, ce qui oblige à interrompre les épreuves athlétiques en cours, puis il est porté en triomphe jusqu’à la loge royale. Il devient un héros national. On peut déjà noter que le Grec Spiridon Belokas, arrivé en troisième position, est disqualifié car il a effectué une partie du trajet en automobile…

1900 : le Français était luxembourgeois

1900Theato (3)Le marathon des Jeux Olympiques de Paris, en 1900, voit la victoire de Michel Théato, qui devient premier Français couronné champion olympique en athlétisme. Or Michel Théato était en fait luxembourgeois. À l’époque, on s’inscrivait de manière individuelle pour participer aux épreuves. Michel Théato, qui résidait en banlieue parisienne, fut donc considéré comme français. Le grand-duché de Luxembourg ne portera aucune réclamation auprès du Comité international olympique (C.I.O.), et le palmarès ne sera jamais rectifié.

1904 : auto-stop et cognac

1904HICKS (3)En 1904, aux Jeux de Saint Louis, l’Américain Fred Lorz pénètre en vainqueur dans le stade. En fait, Lorz, victime de crampes au dixième kilomètre, est monté dans le véhicule d’un automobiliste compatissant et a dépassé le peloton. À quelques kilomètres du stade, il prétend se sentir mieux et il termine à pied. La supercherie est dévoilée alors qu’il s’apprête à recevoir sa médaille d’or. Thomas Hicks, un ouvrier métallurgiste du Massachusetts arrivé deuxième, hérite donc logiquement de la victoire. Cependant, aujourd’hui, il serait disqualifié pour dopage, car, victime d’une grave défaillance, il ne put terminer la course que grâce à l’intervention de son entraîneur, qui lui fit deux injections de sulfate de strychnine et lui fit avaler une bonne rasade de cognac français.

1908 : Dorando Pietri et Édouard VII

1908PIETRI (2)Le marathon des Jeux Olympiques de Londres, en 1908, reste dans les mémoires. Quand l’Italien Dorando Pietri atteint le stade de Sherpherd’s Bush (White City Stadium), il est à bout de forces. Il titube, se trompe de sens, tombe. Des officiels le relèvent. Plus que 15 mètres, mais il s’écroule: deux hommes le remettent sur ses jambes et l’accompagnent presque jusqu’au fil. Le jury examine les faits et rend sa sentence: Dorando Pietri est disqualifié.

Pietri doit peut-être sa déveine au roi Édouard VII. En effet, les organisateurs des Jeux de Londres, désireux de remercier la famille royale de son soutien, avaient souhaité que le départ du marathon fût donné par le roi lui-même devant le château de Windsor. Mais le protocole interdit à Sa Majesté Édouard VII de se montrer debout sur le parvis du château. On contourna aisément la difficulté: les concurrents partiraient depuis l’intérieur du bâtiment royal. Dans le même souci de remerciements, la ligne d’arrivée fut fixée précisément devant la loge royale du stade. La distance de la course fut donc exactement de 26 miles et 385 yards. Sans ces quelques yards ajoutés au parcours, Dorando Pietri eût certainement pu couper «légalement» le fil d’arrivée en vainqueur. Souignons que cette distance de 26 miles et 385 yards correspond à 42,195 kilomètres: en 1921, la Fédération internationale d’athlétisme fixera la distance officielle du marathon à 42,195 kilomètres…

1932 : ce sera sans Nurmi

En 1932, l’illustre Finlandais Paavo Nurmi désire relever un ultime défi: gagner le marathon des Jeux Olympiques de Los Angeles. Mais, accusé de toucher de l’argent pour courir, il est sacrifié par le C.I.O. sur l’autel du respect de l’«amateurisme»: convaincu de professionnalisme, il est radié peu avant ces Jeux et assiste aux compétitions dans les gradins… Nurmi connaîtra une douce revanche en 1952: il connaîtra l’honneur d’embraser la vasque olympique lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Helsinki. Un joli pied de nez pour le C.I.O.

1936 : ne l’appelez plus jamais Son…

1936Son (2)En 1936, aux Jeux de Berlin, dans le contexte particulier de l’époque, le Japonais Son Kitei baisse les yeux quand l’hymne national retentit pour célébrer sa victoire dans le marathon, alors que le drapeau nippon est hissé au mât: il est en effet coréen, se nomme en réalité Sohn Kee-chung (Son Kitei est son nom «japonisé») et veut protester ainsi contre l’occupation de son pays par le Japon. En 1988, Sohn Kee-chung connaîtra l’honneur d’être le dernier porteur de la flamme olympique aux Jeux de Séoul, mais le C.I.O. ne rectifiera ni son patronyme ni sa nationalité sur le palmarès.

1948 : le martyre d’Étienne Gailly

Aux Jeux de Londres, en 1948, le Belge Étienne Gailly pense tenir la victioire, car il pénètre en tête dans le stade olympique. Mais, à bout de forces, il s’écroule, et l’Argentin Delfo Cabrera puis le Britannique Thomas Richards le dépassent. Étienne Gailly devra se contenter d’une médaille de bronze.

1956 : Mimoun et les symboles

1956MIMOUN-OKAux Jeux de Melbourne, en 1956, le Français Alain Mimoun, âgé de trente-cinq ans, s’attaque pour la première fois à la terrible épreuve. Fut-il motivé par la naissance de sa fille, la veille? Sans doute, puisqu’il la prénommera Olympe. Son numéro de dossard, le 13 porte-bonheur, aiguisa-t-il sa superstition? Peut-être… Quoi qu’il en soit, à trente-cinq ans, il remporte sa première médaille d’or olympique.

1960 : Abebe Bikila, un symbole africain

1960BIKILA (2)La portée du succès d’Abebe Bikila, le coureur aux pieds nus, aux Jeux de Rome, en 1960, est immense. Déjà, l’image de cet Éthiopien franchissant en vainqueur la ligne d’arrivée, située sous l’Arc de Constantin, à l’endroit même où, un quart de siècle plus tôt, Mussolini avait par un long discours lancé son armée à la conquête de l’Abyssinie, s’ancre dans les mémoires, en cette époque où les décolonisations sont en route. Il est également le premier athlète africain noir champion olympique, initiant un mouvement qui ne s’arrêtera plus et verra, à partir des années 1980, les courses de demi-fond et de fond devenir la chasse gardée de l’Afrique.

1964 : les chaussures d’Abebe Bikila

1964BIKILA-OKEn 1960, Bikila avait couru pieds nus. En 1964, à Tokyo, il est chaussé, et bien chaussé: en effet, une célèbre marque d’articles de sport le rémunère discètement pour qu’il chausse des pointes portant son logo. Abebe Bikila eût donc pu être disqualifié pour «professionnalisme». D’autant plus que, soldat dans la Garde impériale du Négus Hailé Sélassié, il pouvait se consacrer à plein temps à l’entraînement sans se soucier des choses pécuniaires.

1972 : un hurluberlu avant Shorter

1972URLUBERLU (2)En 1972, le marathon des Jeux de Munich est marqué par une plaisanterie de mauvais goût, d’autant que, cinq jours plus tôt, onze otages israéliens ont été assassiné par un commando terroriste palestinien. En effet, un quidam, numéro 72, pénètre en tête dans le stade et reçoit l’ovation du public. Mais ce numéro 72 n’existe pas… Cet hurluberlu de seize ans, qui se nomme Norbert Südhaus, déclarera qu’il «trouvait l’ambiance un peu triste» et qu’il voulait la réchauffer… L’Américain Frank Shorter, vainqueur du marathon, n’a de ce fait droit qu’aux timides applaudissements d’un public déconcerté.

1984 : vive les femmes !

1984ANDERSEN (2)En 1984, aux Jeux de Los Angeles, le marathon s’ouvre aux femmes. L’Américaine Joan Benoit, casquette vissée sur la tête, avale sans trembler les 42,195 kilomètres. Elle n’a nullement souffert de la canicule, contrairement à la Suissesse Gabriela Andersen-Schiess. Cette dernière, victime d’une insolation, déshydratée, à demi-inconsciente, titube et zigzague durant près de 6 minutes pour effectuer son dernier tour. Cette difficile image fera le tour du monde. Néanmoins, il ne se trouvera aucun misogyne pour remettre en cause la tenue d’un marathon féminin aux Jeux.

1988 : la championne et le président

Aux Jeux de Séoul, en 1988, la Portugaise Rosa Mota remporte le marathon. Pourtant, elle n’aurait pas dû y participer. En effet, Rosa Mota est brouillée avec sa fédération, qui ne veut pas l’inscrire. Il faut l’intervention du président de la République du Portugal, Mário Soares, pour qu’elle soit sélectionnée. Mário Soares eut le nez creux…

2004 : Vanderlei de Lima agressé

2004DELIMA (2)Aux Jeux d’Athènes, en 2004, le Brésilien Vanderlei de Lima est en tête au trente-cinquième kilomètre, avec 30 secondes d’avance. Il semble voler vers la victoire… quand un irresponsable se jette sur lui et l’agresse. Vanderlei de Lima parvient à repartir, mais l’Italien Stefano Baldini puis l’Américain Mebrahtom Keflezighi le dépassent. Il devra se contenter de la médaille de bronze.

©Pierre LAGRUE


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