« Olympia », de Leni Riefenstahl

Beauté nauséabonde…

1936-OlympiaHitler souhaitait que la réussite olympique nazie à l’occasion des Jeux de Berlin en 1936 fût matérialisée, conservée et transmise, afin de marquer l’histoire. Le cinéma constituait alors un instrument de propagande majeur pour le régime. Le führer décida donc qu’un long film documentaire, sorte d’ode en images célébrant l’olympiade, fût réalisé. Il confia cette tâche à Leni Riefenstahl. Celle-ci réalisa Olympia, qui sortira en France sous le titre Les Dieux du stade, et comprend deux volets: Fest der Völker (La Fête des peuples) et Fest der Schönheit (La Fête de la beauté). Plutôt que de coller à la réalité des compétitions, Leni Riefenstahl chercha à construire le geste sportif parfait en trouvant l’angle le plus flatteur: corps musculeux et muscles saillants se mêlent à des vues du ciel; courses, sauts et lancers deviennent un spectacle à la géométrie parfaite; mouvements de foules compactes ou remises de médailles magnifient la dramaturgie du stade.

Bien sûr, le film fera polémique après la Seconde Guerre mondiale. Leni Riefenstahl défendra son œuvre dans ses Mémoires (1987): «J’ai tourné Olympia comme une célébration de tous les athlètes et un rejet de la théorie de la supériorité de la race aryenne.» Faut-il la croire? Peu importe. Olivier Joyard (Les Jeux Olympiques, d’Athènes à Athènes, L’Équipe, 2003) analyse parfaitement le propos et la démarche: «Les images du film, aussi plastiquement parfaites soient-elles, sont autre chose qu’un simple support de propagande à effet immédiat: quelque chose de plus pernicieux. Elles montrent, avec un pouvoir de séduction intemporel, l’être humain comme une forme pure, défini par ses seules attitudes et ses attributs identitaires, et non par sa capacité à exister comme individu. L’eugénisme est le fond, détestable, des Dieux du stade. Le sport y est considéré comme une danse virtuose autour de laquelle se construit un rituel collectif d’adoration. Autant dire un simple instrument au service d’une idée de l’homme et de la société dont on connaît les effroyables dégâts.»

©Pierre LAGRUE


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